Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/181

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que de l’autre il l’aveuglait d’une poignée de soufre. Il lui brûla complètement une oreille au feu crépitant d’une torche. Privée d’air, de lumière, la gueule toujours emplie d’une bave sanguinolente, elle hurlait lamentablement, cherchant une issue, battant ses barreaux de son crâne, déchirant le sol de ses ongles, et au fond de ses entrailles naissait un mal mystérieux. Parce qu’elle grondait d’une façon trop sinistre, l’ordre vint de la laisser crever de faim tout à fait. Les morts dignes : l’étranglement ou le coup de pique au cœur, n’étaient plus pour elle. On l’oublia et, simplement, le vieux gardien cessa de passer devant elle avec sa torche. La bête comprit. Elle se tut, se coucha dans une dernière attitude orgueilleuse, et, ramenant autour d’elle sa queue meurtrie, croisant ses pattes gangrenées, fermant ses yeux de feu, elle rêva en attendant son agonie. Oh ! les forêts qui craquent sous l’orage ! les soleils énormes, les lunes couleur de roses, les