Aller au contenu

Page:Rachilde - Le Démon de l’absurde, 1894.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mère, madame Téard, le fils, Albert Téard, et moi, nous avions très chaud ; nous ne causions plus, ayant épuisé toutes les banales histoires parisiennes. À cette hauteur, sur ce plateau que balayaient les brises sèches, la source des conversations vulgaires s’était tarie subitement en nous, et nous ne désirions plus qu’étouffer les échos des villes toujours si détonnants dans le religieux silence d’une montée de calvaire. Mes amis avaient d’abord tenu, gracieusement, à me faire juger la maison, le jardin, le vignoble ; de différents côtés, ils m’indiquaient les célébrités du pays : l’endroit où l’année dernière Albert Téard avait tué un lièvre énorme, le carrefour ou se voyaient encore les vestiges des Prussiens, le sentier par où descendaient du bois, certains hivers, les loups voleurs ; puis, peu à peu, saisis d’un respect pour la grandeur enveloppante du panorama, nous nous étions tus sans nous consulter, et nous regardions presque sans voir.