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Page:Rachilde - Le Dessous, 1904.djvu/110

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l’idée d’amour. Un homme laid peut-il éveiller une pensée d’amour ? Marguerite, laissant brusquement là les guirlandes, rentra dans la maison encore sens dessus dessous à cette heure matinale. Elle esquiva les demandes éplorées de deux bonnes dressant des pièces froides sur une étagère et monta chez elle, le visage soudain fermé. Elle fouilla dans un tiroir, y découvrit un numéro de revue illustrée où le nouveau ministre était photographié en pied, le poing robustement appuyé sur la tribune. Pas mal comme type de socialiste à tous crins, mais pas assez de crins, décidément. Et puis l’amour… Elle se pencha vers son miroir. Elle était vraiment si bien, aujourd’hui ! Cette blouse bouffait si avantageusement pour la poitrine, cette ceinture de soie verte serrait si justement la taille et ses cheveux la diadémaient si royalement (car un peu de royauté ne messied pas à qui veut s’offrir un ministre radical). Et puis… et puis…

— Quelle sotte, cette Pauline ! murmura-t-elle avec le dépit anticipé de ne pas réussir.

L’amour ! Et aussitôt elle songea, sans s’expliquer nettement ce brusque revirement d’imagination, à l’anarchiste.