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Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/190

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die, coupant du même éclair la cime des chênes et les menues fleurs des foins. Au fond de la prairie, sous les tentes, les soldats prenaient leur nourriture, on les entendait rire, tandis que des cris d’esclaves, répondant à leurs appels, couraient le long des feux rougeoyants.

— Combien sont-ils ? questionna Ragna. Tu vois mieux que moi le soir.

Harog répondit :

— Ils sont un pour toi et un pour moi. Le premier, là, vers les auges, garde les chevaux libres. Le second, du côté des bêtes entravées, est assis par terre devant un cheval blanc. Il t’appartient.

Les chevaux libres formaient des ondulations mouvantes dans l’immense mer de verdure. Ils s’agitaient, galopaient, bondissaient et, tout à coup, l’on voyait déferler une crinière pâle s’argentant à la lune comme l’écume d’une vague. Animaux puissants dressés pour la guerre, ils avaient de brusques mouvements de seigneurs qui foulent d’innocents cadavres. Ils hennissaient aux cris aigus des esclaves, se précipitaient féroces à l’apparition d’une torche et frappaient du sabot violemment. Tous très beaux, ils représentaient le luxe des princes guerriers, portant haut le panache de leurs queues