Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tienne suffisaient-elles à nourrir les pauvres, alors que des guerres perpétuelles ensanglantaient les cités et les champs ? Des princes francs ne songeaient qu’à leurs querelles et ils avaient assez de s’occuper de leur propre défense. À quoi leur servirait, maintenant qu’ils se connaissaient quatre rois, leurs prières pleurardes sur les parvis des églises, dans les cours des monastères ? Deviendraient-ils rois ou dieux à leur tour ? Non, rien ne leur arrivait de bon ! Alors que des miracles s’accomplissaient pour les grands de la terre, jamais ils n’obtenaient la guérison de la moindre plaie ? Et quand les riches abbayes se fermaient à l’heure du repos on les chassait parce qu’ils ne se retenaient point de voler des fruits au verger, un agneau à l’étable. Mendiants ou malfaiteurs, cela devenait tout un durant ces temps de famine, et on parlait de certains faux moines qui logeaient à l’ombre des tombeaux des martyrs pour en soustraire les ornements sous prétexte de baiser pieusement les reliques. Ils seraient toujours confondus avec les criminels tôt ou tard. Mieux valait se recommander à tous les dieux qu’à un seul saint.

— La Pierre guérit les aveugles. Son eau est sacrée ! marmonna le grand Aveugle-né, qui n’avait d’ailleurs pas besoin d’être guéri.