Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/329

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Il se coucha derrière le maître autel, épuisé de fatigue, s’évanouissant dans un sommeil de bête enfin forcée.

Au milieu des conversations de la troupe, très surexcitée par cette bizarre vision d’un esclave eunuque appartenant au monastère, l’Aveugle-né s’adressa au seul chef qu’on respectait encore pour sa sagesse en tout, lui déclarant :

— Je crois savoir l’histoire de ce Soriel, moi. Par les saints tombeaux qui nous assistent, il n’en est pas de plus pitoyable. J’ai ouï dire par le médecin Réoval, qui me soigna les yeux, un jour, et n’y découvrit aucune maladie, que certain enfant, du temps de Radegunde, la pieuse reine, eut une plaie maligne à la cuisse et qu’on dut lui appliquer le remède de Constantinople. Il guérit, ayant perdu sa virilité, aussi l’éleva-t-on sous des vêtements de femme pour qu’il n’en éprouvât point d’humiliation. Le médecin Réoval ne m’a pas nommé cet enfant, mais il y a toutes chances que ce soit ce Soriel.

Harog hochait la tête.

— Il vaudrait mieux qu’on l’eût achevé au lieu de le guérir. Maintenant… il est trop tard. Je vous le confie… demain ramènera la clarté dans l’esprit des princesses.