Page:Rachilde - Le Meneur de louves, 1905.djvu/376

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encens dans l’espace et les colombes amoureuses roucoulaient. La nuit dissimulait-elle encore un piège, serait-elle encore meurtrière malgré l’enivrante douceur du printemps qui peu à peu s’emparait de toutes les âmes de ces hommes farouches pour y faire s’épanouir la corolle embaumée de la foi ?

Harog, ayant quitté la tombe de Ragna et le passage obscur qui reliait le monastère à la maison romaine, se trouvait tout à coup transporté comme dans un éden, une gloire paradisiaque. Les dons de la terre clamaient la bonté du ciel. C’était bien cela qu’il fallait comprendre à l’ombre de la Grande Pierre. Un dieu, foyer d’intelligence, pouvait-il s’être laissé étouffer par les branches de la croix, les bras d’un végétal, sans que sa volonté d’amour pour les hommes farouches prît part à sa fin, lui inspirât l’ineffable volupté du sacrifice ?

Dans une faible clarté tombant des terrasses, une femme vêtue de blanc, Basine, descendait vers lui.

— Bien-aimée, fit-il joignant les mains, je suis plus calme depuis que notre pauvre Ragna repose en terre sainte. La terre est si cruelle quand elle n’est pas bénie.

Elle sourit, eut un geste de joie, car elle le voyait moins sombre.