Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/118

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pas un enfant et qu’il se trouvait à sa merci. — Oui, Monsieur le baron, oui, hoqueta-t-il.

L’habilleuse sanglota :

— Ça, c’est une vengeance ! Monsieur le baron peut m’en croire, j’en mets ma main au feu.

— Écoutez ! reprit le directeur, vous commanderez à ma place et vous chambarderez tout, si vous y tenez. Je vous jure que c’est la bouteille à l’encre pour moi. Je connais mon théâtre, je connais mes machinistes, tout ça fonctionne au doigt et à l’œil, je n’ai jamais eu d’accroc pareil dans le service d’une première. Pas besoin de vous dire qu’on aimait la gamine, ici, elle était généreuse et elle n’a volé l’amant d’aucune de ces demoiselles ! Non, ce n’est pas un accident venu de chez nous ! Je suis de votre avis, ça sent de l’assassinat, Seulement, je me creuse le cerveau pour savoir qui aurait eu de l’intérêt à tuer cette mignonne, à la siffler de cette façon, car, ça, j’en suis certain, on a sifflé, je l’ai entendu, c’est même cela qui m’a fait descendre du pont où j’étais pour venir voir. Quand je devrais être guillotiné, j’affirme qu’on a sifflé, Monsieur.

Reutler se pencha sur l’épaule de son frère, se fendit compte qu’il ne tarderait pas à revenir à lui. Il suffirait d’un peu de brise respirable.

Il questionna, d’un ton moins dur :

— Est-ce qu’un soir de première des étrangers au service ne peuvent pas s’introduire chez vous ? Est-ce qu’un maladroit… ou pis… un malintentionné… (Reutler s’arrêta, regarda le directeur en face, mais sans le voir ; il entendait une voix lointaine, une voix dolente de jeune sentimentale ré-