Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/126

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— Oui, c’est vrai, toi tu as la manie d’être chaste ! C’est une petite différence.

— Fichtre ! Énorme ! Ça m’empêche d’approfondir le néant de certaines choses. Je ne m’ennuie jamais, je garde mes illusions.

— Compliments. Je me demande ce que ça pourrait bien devenir alors pour moi, si j’étais chaste ! Je trouve ton invite puérile. Chiffonner des jupes, c’est encore drôle de temps en temps. (Et il soupira.) D’ailleurs, je crois à la chasteté… par politesse.

Reutler reprit d’un ton plus sourd :

— Tu sais pourquoi, maintenant, je me suis toujours mis à l’écart des hommes de notre âge. Nous ne sommes d’aucun cercle, pour ne pas nous expliquer sur nos… origines. Pour cela aussi, je t’ai supplié de ne pas risquer le scandale d’une enquête… juridique. Tu ne me le reproches pas, j’espère ? Je n’ai pas peur de la vérité selon mes opinions, et je la crains seulement au nom des tiennes. Cependant, nous sommes libres… et nous pourrions changer d’existence, de… capitale. Il est d’autres très grandes villes, sous les cieux.

— Non ! préfère Paris à… Berlin !

Reutler se dressa.

— Oh ! je n’ai pas dit Berlin.

— Tu l’as pensé.

— Si je l’avais pensé, je l’aurais dit ; j’ai eu le choix, étant l’aîné, je n’ai pas voulu choisir. Mon instinct me porte à respecter les droits du plus faible.

— Le plus faible, c’est toi, puisque tu trembles devant… mes droits.