Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/128

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ayant le dégoût de l’espionnage qui, chez vous, a l’air d’une chose naturelle, décidément !

Reutler, d’un bond, fut sur lui. Tout son grand corps svelte et puissant frémissait d’une colère intérieure, d’autant plus redoutable qu’on devinait bien, à le voir trembler, qu’il n’en serait pas le maître, cette fois, car il arrivait au bout de toutes ses patiences.

— Tu vas rétracter cela, Paul, entends-tu ! dit-il d’un accent étranglé. Il le faut, je le veux ! Je te manquerais de respect à toi-même, si je ne l’exigeais pas.

Les yeux de Paul se baissèrent, mais il répondit :

— Il ne me plaît pas de recevoir, ce matin, d’autre leçon que ma leçon d’escrime, mon cher aîné ! Je ne rétracterai rien du tout.

— Un espion, moi ! râla Reutler. Non, cela dépasse les bornes ! Tu rétracteras !

Paul mit ses mains en arrière sur une table et se cambra, continuant à siffloter.

— Des excuses ! rugit Reutler tandis que son regard d’ombre s’illuminait, des excuses ou…

Il n’acheva pas ; un peu d’écume vint à ses lèvres. Il saisit le jeune homme par les deux épaules.

— Ah ! tu me fais mal ! cria le cadet se débattant. Oui, je sais : tu es un hercule ! C’est entendu, tu peux me briser, bien que je sois très fort aussi, moi ! Seulement, je ne rétracterai rien… rien… je me moque de tes brutalités. Quand j’étais petit, tu n’osais déjà pas me fouetter. Tu ne vas peut-être pas commencer aujourd’hui ! Ah ! Tu me fais mal ! je t’assure que tu me fais mal !

Reutler n’entendait plus. Il le traîna de la table au