Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/129

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lit de repos, cherchant à le jeter sur les genoux. Il y eut un instant de lutte effroyable, ni l’un ni l’autre ne voulant céder. Paul se sentit plier. Il se cramponna aux coussins du divan qui se déchirèrent. La sueur inonda ses tempes, et il devint livide.

— Je ne céderai pas ! s’écria-t-il.

Puis, ses épaules craquant sous l’étreinte, il se crut perdu et se tourna vers son frère, face contre sa face, ses yeux chavirés dans les larmes.

— C’est absurde, imbécile ! Tu ne réussiras qu’à me faire des bleus !

Et pour dire cela, il y eut une intonation si désespérée, une si ardente supplication de tout son être bouleversé à l’idée d’une tare, que l’aîné le lâcha, étourdi, ne sachant plus s’il devait éclater de rire ou le tuer.

Paul se secoua, s’ébroua, se regarda les ongles.

— Puisque tu as tellement envie de m’assassiner, il vaudrait mieux nous battre, ce serait plus noble !… gronda-t-il, furieux.

Reutler demeurait debout, les bras tombés.

— Oh ! balbutia-t-il rêvant tout haut, le mouvement de violence !…

Il ramassa le fleuret de Paul.

— Comme tu voudras ! répondit-il enfin de son ordinaire ton sourd.

— Sans démoucheter les fleurets ? interrogea le jeune homme dédaigneusement.

— C’est juste ! dit Reutler redevenu absolument froid. Il faut au moins que nous nous battions à armes non courtoises, puisque nous nous conduisons comme des rustres. Je garde le fleuret pour