Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/135

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ment pour pouvoir demeurer ici notre souffre-douleur à nous, ses fils, les démons ! N’est-ce pas, Jorgon, que ton dévouement, semblable à tous les dévouements, est d’essence divine ?

Il s’en alla, lui tourna le dos brusquement, riant toujours d’un rire si nerveux et si âpre que le malheureux serviteur, ne songeant guère qu’on avait pu deviner son secret d’antan, finit par se dire :

— Mon Dieu… si c’était vrai, tout de même, que Monsieur le baron deviendrait fou ?

Un matin, en passant par le grand salon, assez sombre, de leur hôtel, Reutler heurta deux dames que les domestiques venaient d’y introduire.

— Monsieur de Fertzen ! demanda la plus âgée, d’une voix nette, une voix de femme persuadée de son importance.

— C’est moi, Madame, fit Reutler avec une politesse un peu anxieuse.

Il avait été chargé de chasser les derniers relents funèbres de l’entresol de la rue de Verneuil, et il redoutait des complications : des parents lointains venant réclamer des souvenirs ou exhaler une douleur tardive aux oreilles de Paul qui s’énerverait.

— Mais non, ce n’est pas vous ! dit la dame, moqueuse. Vous êtes bien trop grand, et bien trop brun !

Elle n’était ni jeune ni très jolie, la dame, seulement mise avec un goût irréprochable. La seconde dissimulait un sourire espiègle sous sa voilette. L’air du trottin boulevardier qui se tord sans cesser de pincer la bouche.

— Je suis désolé de vous contredire, Madame,