Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/136

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reprit Reutler. Je suis pourtant bien Monsieur de Fertzen. En quoi puis-je vous être utile ?

Il fronçait les narines, son ton cérémonieux s’accentuait, devenant légèrement moqueur, aussi, à force d’exagération. Venir chercher son frère dans la maison familiale, quel aplomb ! Jane, elle-même, n’y était jamais entrée. Il allait éconduire les deux donzelles et avec la douceur désirable, Reutler poussant le mépris de la femme jusqu’au respect.

Paul parut, la mine heureuse.

— Ah ! vous voilà, Madame Angèle, s’exclama-t-il, je vous attendais depuis l’aube ! Vite ! vite ! chez moi, dans mon cabinet de toilette ! Ne vous occupez pas de ce grand Monsieur. Il vous a fait peur, j’en suis sûr, mais il est très sociable quand on ne le tourmente pas. C’est mon frère : le hibou savant dont je vous ai parlé.

De plus en plus hautain, le hibou s’effaça, laissant passer les deux femmes, sans ajouter un mot.

Jamais Paul n’amenait ses maîtresses rue de Bellechasse. Outré, Reutler interrogea Jorgon.

Celui-ci répondit, en levant les bras, absolument comme le matin du duel :

— C’est… des personnes !…

Le soir, à dîner, Paul commanda deux couverts, et, mal peigné, en vêtement lâches, il réapparut, escorté de ses deux nouvelles amies. Comme inconvenance, cela dépassait toute imagination.

Pendant qu’on découpait les perdreaux, Paul daigna éclairer un peu le mystère.

— Mon cher frère, dit-il d’un ton doctoral, Madame