Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/137

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Angèle est une fée dont tout Paris suit les caprices et évoque la baguette. Elle réussit, à son bon plaisir, la pluie et le beau temps, quelquefois des mariages ! Elle a l’esprit de Sophie Arnould et la diplomatie de Talleyrand J’ai eu toutes les peines du monde à obtenir sa merveilleuse intervention, des ambassadeurs font antichambre chez elle et elle pourrait, si elle n’était pas bien lunée, nous brouiller avec toutes les cours d’Europe !… Madame Angèle, aimez-vous les truffes ?

— Je les adore, répondit gaîment la dame dont l’aisance était étonnante, mais j’ai envie de vous faire gronder, Monsieur de Fertzen ! Ce me serait facile puisque je suis aussi fort que Talleyrand… et, sans doute, aussi perfide.

— De grâce, chère Madame, abandonnez le hibou à ses austères méditations, murmura Reutler qui curieusement la dévisagea, se sentant en présence de quelqu’un que son frère respectait… par le plus extraordinaire des hasards.

Le trottin, devant les cristaux et la générosité des vins, se taisait, comme une ingénue.

Madame Angèle papota gracieusement, lutinant Paul de ses flatteries, et, au cours de la conversation, elle jeta sur la nappe tous les personnages de l’armorial. Où avait-elle vu et entendu les anecdotes qu’elle ponctuait de ces titres célèbres ? L’aventure d’alcôve du prince de X et l’histoire intime du divorce de la duchesse de Z ? Le potin de coulisse sur la fameuse actrice, tout, jusqu’aux blagues des journalistes au sujet du portrait de son frère, portrait qu’elle déclara splendide, sauf la couleur des cheveux, poussée trop au roux