Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/144

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des centaines d’années, je surgis de ma tombe en soulevant autour de moi la poudre des squelettes. N’est-ce pas, c’est trouvé !

Paul se drapait dans le manteau avec les ruses d’une fille qui laisse juste entrevoir ce qu’il faut de chair pour faire ciller les amateurs.

— Tu m’avoueras que sous le domino on est chez soi. D’ailleurs… m’en dira-t-on jamais plus qu’on ne m’en a dit au sujet de mon portrait… et j’étais en homme. Tu n’as pas bronché, le jour où on a imprimé dans un salon de grand critique : « le sourire perversement équivoque du jeune Paul de F… » Excepté La Gandara, j’aurais bien aimé à gifler des gens, moi !

— Mon Dieu, murmura Reutler, quand, par hasard, une vérité se découvre et qu’on n’a pas provoqué le spectateur…

— Une vérité ! gronda Paul faisant cliqueter ses chapelets d’un geste furieux. Est-ce que nous allons encore nous battre, Reutler ?

— Rassurez-vous, chère Madame, fit Reutler se levant, subitement ironique rassurez-vous ! Mon bras ne dégaine plus que pour vous protéger contre la hardiesse des voisins. Je vais jouer mon rôle… religieusement, en vrai gardien de l’icône byzantine. (Il ajouta scandant ses mots :) Aussi bien, si je te laisse partir seul, je suis capable d’aller verrouiller moi-même les portes de notre maison pour t’empêcher de rentrer ! Mets donc ton masque, et je te jure qu’on ne l’ôtera pas sans mon consentement.

Paul haussa les épaules.

Ils descendirent lentement l’escalier fleuri de