Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/148

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jour tout le temps. Est-ce que ça m’amuserait moi, leur jour ?

— On s’y rase encore plus qu’ici, et ce n’est pas peu dire ! objecta le journaliste, l’air convaincu.

— Certainement, appuya Marguerite ravie de l’approbation. Messieurs, déblayez le terrain et pas d’histoire, je vous prie.

Puisqu’il s’agissait d’un secret d’état, hochant le front, faisant des grimaces, les hommes se retirèrent un à un, comme devant la dompteuse défilent les lions chloroformés remâchant leur bave.

Seule, Marguerite se pencha au miroir — force de l’habitude — se frotta les joues d’une houppe, et, entendant gratter, dit, l’accent rageur :

— Entrez, chère Madame.

Quand elle se retourna, le domino de velours gris était déjà près d’elle, et, d’un geste lent, plein de coquetteries savantes, il se dégagea de la poussière des siècles, lui apparut en sa merveilleuse résurrection d’éclairs.

— Madame… fit Marguerite ahurie par la splendeur inattendue de ce costume.

— Madame… fit la princesse d’un ton délicieusement ému, très bas

Et les deux jeunes femmes demeurèrent immobiles, se mesurant des yeux, sans trouver autre chose.

Pour la demi-mondaine, ce fut une véritable stupeur. Elle voyait donc une personne ayant un jour qui consentait au costume ? Il y avait donc, chez ces femmes-là, des créatures qui risquaient le scandale de l’originalité ? Elle, Marguerite Florane,