Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/150

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vous apporter le tribut de mes admirations passionnées, comme un homme un peu… hardi vous apporterait des fleurs ?… J’ai, depuis longtemps, le désir fou de vous voir. J’ai toujours eu le désir de prendre les étoiles dans mes mains, c’est plus fort que moi. Je ne sais pas résister à mes caprices. Et je voudrais… oh ! comme je voudrais essayer de vous toucher… de vous attendrir, Madame, dussé-je me piquer cruellement les doigts aux pointes aiguës de vos rayons. Tolérez-vous ma présence, dites ?

— Prends garde, répliqua Marguerite, vite revenue à l’insolence et se rendant compte qu’il s’agissait de toute autre complication que celle d’un amant volé. Ces désirs-là, ma chère, sont souvent des envies de femme enceinte !

Et elle toisa la grande apparition, si droite, si grecque, si fière de sa taille de jeune vierge.

— Ah ! riposta la Byzantine riant d’un rire étrange, combien je sais de jolies pécheresses qui rêvèrent d’obtenir de ceux qu’elles crurent leurs esclaves ce gage d’amour… ou de haine que vous pensez en la possession de mes entrailles ! Mais vous êtes, vous, trop belle et trop inhumaine pour avoir de pareilles faiblesses. Permettez-moi de m’asseoir à vos pieds, Marguerite ; je suis tellement lasse d’être une majesté encore plus belle et plus inhumaine que vous.

Marguerite tressaillit, un peu troublée, s’efforçant de rire.

— Tu es plus belle que moi ? Ôte donc ton masque. En tous les cas, tu dois déplaire aux hommes, ça, j’en réponds.