Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/159

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dait ses yeux d’icône flambante sur les hommes, qui n’osaient pas les plaisanteries traditionnelles, le bras lourd de la haute princesse les paralysant d’étonnement. Et elle, sans aucun souci de sa dignité, les posait sur leurs poitrines, les retirant tout à coup avec des rires bizarres dont les rudes éclats blessaient comme des dagues. Il y eut une seconde de bousculade en face de la cheminée du foyer. Les lèvres d’un suiveur profitèrent de l’occasion et se glissèrent dans l’échancrure de la dalmatique, puis retentit un cri sourd, une plainte venue du fond du ventre de quelqu’un qu’on a frappé à lui couper le souffle. Un cercle se forma autour du suiveur étalé sans connaissance, son faux nez aplati sous sa face très rouge.

— Un cas d’apoplexie ! expliquait-on. Non ! Non ! il en revient !

Les deux frères s’éloignaient.

— Ce qui m’étonne, c’est qu’il en revienne, murmura Paul. Reutler, tu es d’une brutalité révoltante ! Je me défendrai bien tout seul. Pour un pauvre diable qui se trompe… Ne dirait-on pas que l’honneur du nom est en péril. Signale-moi mes femmes de chambre, mais n’embête pas mes courtisans !

— Il ne se trompait point, dit Reutler la sueur aux tempes.

— Allons donc ! fit Paul ; dans les bouges, peut-être… ici, on les expulse !

— En es-tu sûr ! s’exclama Reutler fou de rage brusquement. Et quel bouge comparable à cet enfer ? Ai-je demandé à te suivre, moi ? N’espère pas que je tolère ce jeu de la part d’un voisin !