Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/158

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— Au fait, murmura-t-il, c’est juste ! Vous ne valez pas mieux l’une que l’autre !

Et la boutade, heureusement, dérida l’impératrice.

Du côté du buffet, Paul fut amoureux vingt minutes d’une dame, un portrait de Reynolds, qui lui déclara les choses les plus folles dans un anglais très pur. Le costume, le ton, tout était littéraire. Paul répondit en allemand, d’abord, pour dérouter l’excentrique, mais elle parlait cette langue aussi bien que lui, et on allait finir ; probablement, par se comprendre en français, quand un mot de professionnelle éveilla l’attention de Reutler. Où avait-il entendu nommer ce détail de la robe de Paul ?

— Charmante. Si on soupait avec elle ? souffla le cadet à l’oreille de son aîné qui regardait le plafond.

— Non ! Merci ! riposta Reutler impatienté. Ce serait la deuxième fois et elle nous rééditerait les anecdotes sur le duc.

— Ce n’est pas Madame Angèle ? Tu rêves.

— Je ne rêve jamais devant une couturière, accentua Reutler d’une voix mordante.

Paul ne poussa pas plus loin son roman, et la dame s’envola, effarouchée.

Dans cette foule chaude, où chaque parfum, soit de jupe, soit de femme, se confondait en une seule et intolérable senteur de musc, Reutler prenait la migraine ; Paul se grisait, déjà un peu ivre, car il avait mélangé du kummel à du champagne pour scandaliser le portrait de Reynolds, et, très heureux, il entraînait le grand seigneur noir. Il dar-