Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/168

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— Nous avons faim ! jeta la plus brune.

Et la troisième, la plus jeune, câline, se fit porter. On ne sut pas ce qu’elle pouvait bien avoir, car elle le dit tout bas.

— Juliette, taisez-vous, ordonna Paul, sérieux comme une grande dame qui va offrir des poupées à un enfant pauvre. Vous raconterez tout cela au type noir. Il est fort généreux… quand on sait s’y prendre, et vous lui direz, de ma part, que je vous ai autorisée à faire sa conquête. Il est veuf.

— Flûte ! j’aime mieux toi, fit la petite qui bouda. Toi et puis ton costume ! Il est épatant, tu sais, ton costume. Mince de luxe ! Tous tes joujoux sont pas du toc. Mesdemoiselles, regardez ces colliers de perles, il en a autant que la Mauri. C’est à en pleurer. Et il vous traîne ça, lui, comme de simples boulettes de mie de pain !

— La dentelle d’or, dit respectueusement la seconde, vient de chez Valentine, pas ?

La troisième caressa les manches de brocart changeant.

— Donne-nous tes deux manches, dis, pour nous faire deux peignoirs ?

Celle que Paul portait à son cou s’écria, furieuse :

— Et moi, espèces de petites grues, qu’est-ce que j’aurai pendant qu’il vous habillera de ses deux manches ?

— Toi, je te déshabillerai de mes deux bras ! répondit Paul tranquillement.

Il y eut une mêlée terrible. Les deux quémandeuses se jetèrent sur la troisième intéressée.