Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/171

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croyait pas que la vertu fût de ce monde. Il y avait deux voies : la correction et l’incorrection. C’est-à-dire : la diplomatie ou… la noce, mais il fallait choisir, et, selon lui, de la vive délibération d’un caractère ressortait sa principale beauté. L’hésitation n’a rien à voir avec la puissance. Il ne se risquerait pas à détailler ce genre d’idées devant une femme de la haute démocratie parisienne… pourtant le seul coup de force l’intéressait, et c’était surtout cette raison d’autocratie native qui lui donnait le mépris de la diplomatie et le respect absolu de la femelle d’amour.

Enfin, si cela l’amusait ! Il voulait bien mêler, à doses égales, les courtoises condescendances de son gouvernement et ses ruses de mâle qui s’embête. Non, l’existence n’était pas plus drôle pour lui que pour les autres, et à part ses vices personnels, très soigneusement enveloppés de la mousseline de son esprit clair, il n’attachait pas plus d’importance à cela… qu’à tout autre distraction mondaine.

Slave jusqu’au bout de ses ongles, qu’il portait pointus, aussi chauve qu’un aigle, il avait la tenue rigide et la paupière molle, retombant sur un œil fixe, lumineux, un œil sans nuance, couleur de larme. Ses moustaches blondes s’étiraient en deux aiguilles roides, piquantes, qu’il caressait d’un geste méthodique, infiniment doux, un peu moqueur parfois, car il était jeune, trente ans à peine. Il arborait sa calvitie comme un objet précieux, une fantaisie d’ivoire, qu’on époussette chaque matin avec mansuétude, et ne cherchait nullement son excuse, tout ce qu’il portait, infir-