Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/204

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ler, tu en remontrerais aux très vilains hiboux.

Il y eut une pose.

Le cadet des de Fertzen était bien changé, depuis un an, c’est-à-dire depuis que les deux frères avaient quitté Paris. Physiquement, l’adolescent aux fossettes et aux grâces de princesse byzantine disparaissait peu à peu pour laisser croître un être singulièrement idéal, s’émaciant, remplaçant l’homme comme un portrait peut remplacer le modèle. Plus mince, plus pâle, plus fatigué, plus blasé encore, seulement ses yeux brillants disaient l’infatigue de son cerveau où galopaient, comme en un désert, les chimères furieuses dont le furieux galop ne s’entend pas. Il ne se déguisait plus en femme et avait l’air d’une femme déguisée. Il exagérait les modes anglaises, se coupant les cheveux ras, pour dénuder surtout sa nuque, gardait, en la Stuart blonde, les deux ondulations naturelles de ses cheveux, un diadème surnaturel où l’on pouvait deviner les naissantes protubérances du démoniaque, se transformant en celui-ci après avoir tellement été celle-là. Et tous les deux, les êtres charmeurs, se mêlaient de plus en plus indissolublement dans un terrible hermaphrodisme. Il causait moins. Courbé sous l’idée fixe, il regardait le vide, des heures entières, prenait l’air grave de ceux qui luttent contre la bête rampante de leur moi, sans, cependant, se mépriser, tant ils sont sûrs de ne jamais céder qu’à eux-mêmes, par orgueil cérébral encore mieux que pour leur lâcheté physique. La taille se ployait, et des tics nerveux s’ajoutaient lentement aux habitudes de la pensée comme des ombres