Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/217

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enfant ? Le hibou peut changer de ruine… il est préparé aux pires destructions. On ne l’étonne plus.

Reutler leva lentement son front triste, orné réellement, à la façon des hiboux, de deux orbes allongés de fourrure brune, et il eut le courage de sourire.

— Mais tu ne comprends donc rien, balbutia Paul se tordant les mains, je suis jaloux ! Entends-tu ? Jaloux !… C’est inexplicable et pourtant cela est.

— Éric ! Va chercher une lampe, supplia Reutler. Je crois que les esprits des ténèbres sont de mauvais conseillers pour les trop jeunes gens. Fais la lumière, toi qui n’y vois pas la nuit !

— Qu’est-ce que j’ai dit, murmura le cadet comme tombant du haut de son rêve ? Corrige-moi, je l’ai mérité ! Veux-tu que je me jette par la fenêtre ? Ah ! donne-moi des coups de poing, ça me fera plaisir, je t’assure !

— Non ! Je veux la lampe, simplement.

— Je ne suis pas digne de toi, sanglota Paul d’une voix de femme navrée.

— Obéis ! Tu dois m’obéir ! Va chercher la lampe ! De la lumière ! De la lumière, lâche créature, sinon… je t’étrangle !

D’un saut, le jeune homme fut près du creuset, alluma une petite lampe de vieux bronze et revint, tout intimidé, dompté pour quelques minutes, malgré son orgueil.

Reutler se tenait debout, les deux mains jointes, voilant son visage. On voyait luire, à l’endroit où manquait l’un de ses doigts, le splendide rayon de