Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/218

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son œil fouilleur de ténèbres. Il ne doutait plus et il y avait un tel suprême effort dans son geste de prière, tant de désespérées malédictions, que Paul, à le contempler, demeura saisi d’une frayeur superstitieuse.

— Oh ! mon Reutler ! Avoue-le donc ! Tu me hais ! Nous ne sommes pas des frères, nous ne sommes que des ennemis…

— Oui, répliqua Reutler, je te hais, tu le sais bien… nous devions nous haïr !

— Et voilà le résultat de notre vie si étroite, si miraculeusement intime !…

Le jeune homme, atterré, laissa choir la lampe qui se brisa.

Un singulier phénomène se produisit durant que la très modeste lueur agonisait sur le tapis de leur chambre. Au-dessus des deux frères, la coupole s’illumina d’un fulgurant reflet d’aurore, et les clartés d’étoiles parurent, là-haut, comme une pluie d’argent dans un champ de roses.

Cela se passait depuis quelque temps, mais trop préoccupés d’eux mêmes, ils n’avaient pas encore levé la tête.

Oubliant leur querelle, stupéfaits, les deux jeunes gens se précipitèrent vers le télescope.

— Une comète ? questionna Paul.

— Non ! peut-être une averse d’étoiles filantes, répondit Reutler.

Tout demeurait tranquille à travers les airs colorés d’un carmin pâle. On n’apercevait ni météore ni nuage suspect, et toujours clignaient railleurs, les petits yeux doux des planètes.

Il leur était difficile d’examiner la campagne