Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/227

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d’une fumée sombre, prolongeait cette fumée dans les arbres du bois, vaste nuage qui semblait infini comme la nuit elle-même.

Les deux frères sautèrent à terre au milieu d’une cour d’auberge complètement déserte, et durent attacher leurs chevaux le long d’une porte qui béait, laissant s’échapper des moutons qu’on avait parqués là pour le marché du lendemain. Ils s’orientèrent, un moment étourdis, aperçurent leur pompe, des échelles de gymnastes et des arrosoirs que Jorgon, consciencieux, avait entassés dans la carriole de leur jardinier.

— Savent pas s’en servir ! grommela Reutler répondant au regard interrogateur de son cadet.

— Parbleu ! Nous, nous saurons… aide-moi ! Oh ! ces brutes !

Et traînant toute la ferraille, ils repartirent du côté de l’église.

Monsieur Joviot, le maire, un aubergiste, gros homme apoplectique ayant eu la naïve puérilité de ceindre son écharpe, s’épongeait le front devant le désastre et le curé, un être maigre, tout charbonneux sur le fond vermeil des flammes, qui l’invectivait d’une voix sifflante.

— Non ! Je ne vous céderai pas… nous sommes entre les mains de Dieu ! Je lutterai tout seul, s’il le faut. Une église ancienne, remplie de sculptures, ah ! vous ne voudriez pas, Monsieur Joviot ?

Le maire jura. Sa blouse bleue, de toile rêche, enflée par un coup de vent, le fit plus phénoménal.

— Vous entendez, vous, Monsieur le curé, au respect que je vous dois, nous ne sommes plus à la messe ici, je vous dis que l’église est fichue et