Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/247

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celui qui criait son orgueil comme un amour ou de celui qui criait son amour comme un orgueil. Cela finirait mal, mais cela finirait.

Impassible, sur les voltes enragées des deux chevaux, il attendit.

Reutler sauta le fossé.

À ce moment, un soupir monta du fond des bois obscurs, comme l’expiration de la tristesse muette de la nature endeuillée protestant contre leurs blasphèmes. Un soupir venu de loin, ou de près, une plainte de créature affreusement lasse. Reutler fit le tour du roncier. Il ne vit rien, c’est-à-dire pas d’être vivant, seulement une fleur plus large qui se tendait vers les étoiles et imitait un visage humain.

— Ah ! mon Dieu ! cria-t-il stupéfait. Une femme morte, dans les ronces ! Elle est prise par ses cheveux… non, non… elle n’est pas morte, ses yeux se ferment… Qu’est-ce que vous faites là, vous ? et pourquoi êtes-vous à genoux ?

Paul lâcha les chevaux et accourut, fort intrigué. Il sauta le fossé, pendant que les bêtes, laissées libres, prenaient le chemin de l’écurie, ventre à terre.

— Nous voilà bien, mon grand, fit Paul éclatant de rire ! Une demi-heure de marche en montant toujours et je suis éreinté ! Je propose de demander l’hospitalité à Madame.

Il fouilla ses poches, retrouva des cigares et en alluma un pour éclairer un peu la situation.

La femme était une jeune fille de l’âge de Paul, à peine ; elle paraissait petite, chétive, se repliait sur elle-même, la figure tendue, les cheveux, des nattes