Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/255

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— Va me chercher Reutler, Jorgon !… Il n’y a rien de plus sérieux que la mort !

Reutler montait. Son pas lent, s’arrêta, hésita, sur le seuil du cabinet de toilette, pendant que Jorgon, discrètement, se retirait.

— Éric, dit l’aîné, très grave, cette enfant a des crises de terreur folle. Je te prie de ne pas la tourmenter. Je ne peux obtenir d’elle ni l’adresse de ses parents, ni le motif de sa chute dans les ronces ; mais elle m’intéresse, je voudrais bien éclaircir son histoire. Tu ne tiens pas à souper devant elle, j’imagine ?

Paul bondit et lui saisit les poignets.

— Elle te plaît, n’est-ce pas ? Puisque tu l’as vue en songe ?… Moi, je la veux. Tu n’as plus le droit de me donner des ordres, c’est moi qui commande, ici. Tu l’as déclaré toi-même. J’en ferai ce que je voudrai ! Ah ! tu ménages la chevelure des femmes, des petites mendiantes, et tu brises mes ciseaux à ongles en leur honneur ? Monsieur mon frère est très chaste… oui, parce qu’il ne fréquente pas chez les filles élégantes… il lui faut des maritornes ! Joli, le goût et… simplificateur donc ! Je te crois ! Pas d’intrigue ni de liaisons connues ! Et j’ai marché dans la poussière, au lieu et place de cette drôlesse qui doit, certainement, avoir les pieds sales ! C’est cela, ta divinité ? Mais je t’apprendrai à respecter la mienne. Je briserai cette petite comme mes ciseaux, comme ton cœur comme tout…

Et d’un geste terrible, Paul attrapa un flacon de lavande, l’envoya éclater, à toute volée, sur la poitrine de son frère. Une pluie de parfum les