Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/254

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— Elle est affreuse ! cria Paul oubliant toute prudence.

Jorgon demeura la bouche ouverte.

— Je veux dire, mon bon Jorgon, ajouta-t-il l’œil sombre, qu’elle me plaît comme elle est… et je ne veux pas que Reutler me la chiffonne.

— Sans vous commander, Monsieur Paul, vous êtes jaloux pour un triste morceau. Enfin, ça vous changera des Parisiennes.

— Je ne suis pas jaloux !… Ah ! j’ai la tête perdue !… Il dit qu’il l’a déjà vue en songe. Oui, ses yeux ! Jorgon, tu me fais délirer avec tes maladresses ! Non, pas de cravate, je n’ai pas le temps ! Va me chercher Reutler… je lui défends de rester en bas… Vois-tu, Jorgon, il est trop mystérieux ; chez lui ça doit se passer sans aucune cérémonie. J’ai le cœur qui brûle, Jorgon.

— Monsieur Paul, après avoir eu chaud, vous habiller comme ça encore tout mouille, puis vouloir… batifoler… vous allez tout uniment prendre du mal…

Paul se tordit les bras.

— Ah ! que je suis malheureux, Jorgon ! Je vis entouré d’imbéciles ! Personne ne m’aime… Toi non plus ! (Et il se renversait en arrière sur son vieux valet de chambre.) N’est-ce pas, pourtant, que je lui ressemble à ma mère ? Dis ? J’ai besoin, moi, qu’on me répète que je suis très beau !

— Sans vous mentir, Monsieur Paul, bégaya le pauvre homme tout attendri, vous êtes son portrait vivant, à part qu’elle était plus sérieuse, la chère dame !