Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/265

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— Singulière idée de dormir dans un meuble mouvant comme celui-là. Moi, je ne pourrais jamais.

La jonque, sous le poids de sa main, se balança imperceptiblement, et Paul se laissa bercer en croisant ses bras en dessus de sa tête.

— Si… c’est amusant, je t’assure, ça me donne des sensations de vertige très curieuses.

Reutler le regardait avec une stupeur croissante. C’était ce petit garçon-là, son frère ? Le premier venu pouvait le bercer rien qu’en appuyant l’index sur le bord de son lit, et il se laisserait faire ? Une angoisse affreuse lui serra le cœur, il retira la main très vite, s’éloigna de la jonque l’air sévère, se promena un moment de long en large oubliant ce qu’il était venu dire.

— Il est comme un enfant, un bébé malade ! Où ai-je donc lu que proches de leur cercueil les enfants rapetissent ? Pourquoi donc a-t-il inventé ce berceau qui est le retour au lieu d’être le départ ?…

Paul-Éric respirait difficilement. Son merveilleux teint de blond qui supportait les plus vives lumières se décomposait de plus en plus.

— Un conseil, à moi, dit-il fermant les yeux, bonne blague ! Je suis encore très fatigué. L’incendie ? Me souviens de rien… ah ! oui, cependant… là, dans mes cheveux, une brûlure et c’est tout. Reutler, je te demande pardon.

— Il a peur ! songea Reutler bien autrement effrayé lui-même. Mais ce n’est pas possible que je lui fasse peur… Éric ?

Reutler saisit les doigts fins qu’on lui tendait et qui tremblaient.