Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/268

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— Et sais-tu pourquoi elle a mis le feu… mon grand ? Quelle histoire !

— Pour beaucoup de raisons, dont la principale est qu’un rustre quelconque a voulu… la violer.

— Bien province ! dit Paul éclatant de rire.

Reutler frémit de colère, ses poings crispés s’abattirent sur les draps de surah.

— Veux-tu me dire ce que je dois faire de cette malheureuse… moi, je ne sais plus !

Paul épluchait délicatement ses fraises. Il leva la tête et le regarda très en face.

— Aucun doute à ce sujet, mon cher ! Les de Fertzen ne livrent pas aux gendarmes une femme qui leur demande asile. Elle est chez nous, qu’elle y reste. Il y a de la place aux offices, je pense.

Reutler se leva, transfiguré.

— Et dire que tu joues à briser des fioles de parfum, que tu couches dans des draps de soie, qu’il te faut des chaussures brodées de perles et que tout à l’heure encore tu te décolletais pour que je m’aperçoive de la blancheur de ta peau. Éric, quand te décideras-tu à être franchement mon frère, un être chaste digne de moi !

— Ça, c’est trop fort, dit Paul avec un sourire cynique, voilà que tu découvres la blancheur de ma peau, maintenant ! Elle va bien ta chasteté, elle va très bien ! On peut avoir tous les vices et demeurer bon gentilhomme, je t’assure ! Allons ! Ne te fâche pas, mon grand… tu dirais des bêtises !

Reutler se retira. Il se sentait de la honte, bien qu’il ne fût pas coupable… mais il était heureux, malgré son trouble, très heureux. Son frère exis-