Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/269

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tait. Au fond de ce drôle, il y avait une âme… Hélas, celle qu’il y mettait, la sienne ! Il lui faudrait devenir surhumain, presque dieu pour conserver cette lueur de beauté divine… et cependant il espérait toujours car, selon sa religion, l’espoir du triomphe représentait son amour même. Il ne pouvait point cesser d’aimer, alors qu’il devait vaincre.

Une heure après, les deux frères se rendirent au pavillon de la terrasse. Ils y trouvèrent la petite servante assise dans la position de la veille, les mains recroquevillées sur son fichu, la tête basse, les yeux presque clos. Elle n’avait pas l’air de pleurer et devant Paul elle recula sa chaise.

— Mon enfant, dit Reutler dont l’accent ironique se fit très doux, vous n’avez causé la mort de personne… un peu grâce à notre intervention, et nous décidons de vous laisser libre. Partez. Restez. Faites ici ce qu’il vous plaira. Vous l’avez affirmé, n’est-ce pas, vous êtes guérie ! Oubliez donc ce passé. Nous le retranchons absolument de votre existence. Moi, je vous conseille de descendre aux cuisines, de vous y rendre utile, et de ne pas craindre de réclamer vos gages à Jorgon quand vous voudrez partir. Vous traiterez cette question avec lui dès ce soir.

— Oh ! Monsieur ! Monsieur ! cria la pauvre créature s’agenouillant les yeux rivés à ses yeux, toute pâmée de joie.

— Chut ! fit Paul ennuyé. Mon frère et moi nous n’aimons pas les scènes. Nous garderons votre secret, mais si vous désirez nous prouver votre reconnaissance, mettez-vous au ton de nos