Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/273

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mée par l’irruption de Jorgon qui apportait des ordres.

— Célestin ! criait le vieil homme. Demain, chez les gens de l’écurie de Lure où il y a un demi-sang passable. S’informer avant la promenade de dix heures. Faire très soigneusement la robe de l’arabe. Monsieur Paul désire un échange.

— Compris ! fit Célestin.

Jorgon tourna les talons.

— Bon ! L’arabe qui cesse de plaire, murmura le groom, je ne donnerai pas deux centimes de son poil. On va la revendre pour des prunes. Eh ! Jean, si on maquignonnait ça en sous main chez les garçons de Lure ? Invente une histoire. Moi, j’achète à cinq cents et je revends mille, si tu veux que nous partagions. Bien entendu, il y aurait des parts pour les gens de là-bas.

Les trois garçons d’écurie se mirent à chuchoter en buvant. Le cocher, pressé par le groom, secouait furieusement son petit verre vide.

Ahurie, la petite servante se tenait debout, les mains jointes sur son fichu.

— Vous m’embêtez ! Est-ce qu’on raconte ses affaires au monde… Vous savez joliment qui c’est, celle-là ? dit le cocher de mauvaise humeur, puis il se tourna du côté de Françoise. Et le bain ? Vous voyez bien que Mademoiselle est pressée.

On éclata et la cuisinière alla préparer le bain.

Dès que l’enfant fut enfermée dans la petite salle claire, elle respira. Elle n’aimait peut-être pas l’eau, mais elle aimait la solitude. Elle venait de tirer un très solide verrou et elle avait le droit de se croire en sûreté.