Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/306

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le nom que je porte, d’abord dans ma vie privée. Opte ou n’opte pas, cela m’est égal !… Tu n’es pas de ma race ! Où que tu ailles, tu seras vil. Ah ! Je te ferai enfermer ! je te ferai enfermer… pour ne pas devenir fou moi-même… j’en ai assez ! Oui, tu es un malade… et tu mourras… je te tuerai !

— …Devant les domestiques ? c’est abuser de ton genre de folie, mon cher ! fit Paul dédaigneux.

Reutler, apercevant la jeune fille, eut un cri rauque où tout son orgueil éclata.

— Vous m’écoutiez, vous ? Mais c’est elle que je vais tuer ! La misérable !…

Il marcha sur elle, prêt à la broyer. Elle joignit les mains, le regarda de son regard fixe, implorant :

— Monsieur Reutler, vous ne m’aviez pas commandé de sortir. J’ai attendu, pour les verres… Vaudrait mieux me tuer, je mérite la mort… lui, c’est qu’il est malade, bien sûr !

Reutler s’arrêta, chancela, et s’appuya au dossier d’un fauteuil.

— Oh ! Ces yeux ? Où donc ai-je vu ces yeux !

Il se mit à rire, défaillant d’une horreur superstitieuse, car il était certain de ne jamais les avoir vus.

— Je plaisante, petite ! Ne t’épouvante pas de mes gestes ; quand je suis en colère, je menace tout le monde et je ne tue personne… Rassure-toi ! Ah ! il est malade ! Prends garde ! Il a une maladie qui se communique. Si tu tiens à rester pure, il te faudra fuir ma maison. Ici, on ne respire que le vice, je te le répète. Malade ? Et tu le défends ? Un comble ! Non ! Il est simplement ridicule avec ses bandeaux de vierge blonde, et tu me parais