Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/311

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— Ils croient que vous l’avez battu rapport à moi, parce que…

— Ils croient que tu es sa maîtresse, hein ? C’est ridicule !

Reutler se promenait de long en large dans la serre, fébrilement. Il froissait un journal et déplaçait le léger mobilier de bambou. Depuis un mois, il piétinait ainsi sur place comme un aliéné. Non, il ne pouvait se confier à personne. Jorgon le regardait avec une terreur croissante. Les autres domestiques passaient trop loin de lui, ensuite, ils n’approchaient pas du malade. Seule, Marie lui donnait des nouvelles, et ce médecin était si laconique, tellement indifférent :

— … Petite fièvre nerveuse… Rien de grave… Se dorlote… Un enfant gâté…

Et le médecin parti, Reutler reprenait sa promenade en rond de fauve prisonnier, n’osant ni sortir, ni surtout aller lui tendre la main.

Mais quand Marie arrivait, la chambre obscure s’éclairait ou la serre fleurie sentait plus fort les roses… Ah ! le paon perché mélancoliquement sur le rebord de la terrasse, regrettant l’autre prince Mes-Yeux si détesté et si adorable !… Marie, de servante devenait complice, l’entremetteuse de leurs deux âmes… Reutler caressait le beau paon fatidique et il faisait parler Marie pour endormir son chagrin.

Ce matin-là, Marie se révolta.

— Monsieur, ils disent aux cuisines ce qu’ils veulent ! Moi, j’ai pas d’amoureux, vous savez bien, j’en aurai jamais.

— Marie, je préfère qu’ils croient cela. C’est-à-