Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/314

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— Ah ! pour ça non, Monsieur, et si j’avais le droit… ce serait pas celui-là que je choisirais…

— Je suis donc véritablement infâme vis-à-vis de cette enfant, songea Reutler, et j’abuse bien réellement de son cœur… Marie, dit-il plus haut, vous êtes toujours libre. Allez-vous-en. Je veux qu’on soit libre chez moi.

— Vous me chassez ! s’écria la pauvre servante éperdue.

— Non ! non ! Si tu t’en vas, qui me parlera de lui, mon Dieu ?

— C’est juste, soupira-t-elle d’un accent très doux.

— Ma petite Marie ? Auras-tu la force de porter cette croix jusqu’au sacrifice ? Alors, tu… n’aimes pas mon frère… c’est étrange ! Tu ne l’aimeras jamais ?

— Jamais, Monsieur, puisque… vous voulez que je vous le jure.

— Merci, j’ai confiance en toi. Tu as l’âme noble. Écoute encore : tu diras au médecin que je désire le voir. Cet homme a des allures louches… il me déplaît. Ah ! Tu retournes chez mon frère ? Eh bien, je veux que tu lui portes cette rose… je sais qu’il aime celle-là entre toutes ! (Il cueillit une rose du Japon aux pétales presque noires.) Tu lui raconteras que tu l’as volée en passant, dans la serre, et que je te l’ai… permis.

— Non, je lui dirai que c’est vous qui la lui envoyez. Pas la peine de mentir pour si peu, monsieur Reutler.

— Une leçon ? soit !…

Et il se mit à rire en attachant la rose au corsage de la jeune fille.