Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/319

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le corps. S’il a des habitudes maladives, c’est moi qui suis le coupable. Je l’ai précipité moi-même dans la boue. Moi seul mérite d’être frappé, corrigé, foulé aux pieds !… Que je souffre ! Mon Dieu, que je souffre… ces roses ! Ah ! l’odeur de ces roses ! Où les fuir… je deviens fou !…

Les mains crispées sur une touffe de fleurs, il les écrasa et les porta à sa bouche en criant.

Jorgon accourut, l’air terrifié.

— Que me veux-tu, toi ? Tu m’ennuies à me surveiller de tes regards de chien craintif. Non ! reste ici ! (Allant au vieil homme, il lui mit la main sur l’épaule, durement.) Vois-tu, là-bas, au tournant de la route, derrière la troisième terrasse, ce coupé qui descend ? Il faut que les garçons d’écurie prennent mes chevaux et qu’ils aillent me culbuter cette voiture dans les fossés ! Quoi que vous en disiez tous, je suis encore le maître à Rocheuse et il faut qu’on me tue ce médecin ! Il emporte mon âme !… Tuez-le ou je ne dormirai plus !

— Oh ! fit Jorgon reculant, oui, vous êtes fou !… Nous sommes déjà si malheureux ! Vous prenez donc la rage du meurtre, Monsieur le baron ? Après avoir massacré cet enfant si aimable, si gentil, toute la joie de Rocheuse, faut tuer le médecin qui l’a guéri, maintenant !… Votre petite servante, c’est une gredine, j’ai l’honneur de le répéter à Monsieur ! En voilà une qui peut se vanter d’avoir fait aigrir du bon vin. Deux frères qu’on n’aurait jamais pu brouiller sans ce jupon-là…

— Je le hais, ce médecin ! Je le hais, Jorgon ! hurla Reutler se pressant les tempes, je vous hais