Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/33

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sonnage politique lui permettant la modestie. On savait ce que cela voulait dire, d’autant qu’elle ponctuait ses discours de petits sourires minaudeurs, comédie-prologue à laquelle nul ne se méprenait et dont elle était seule dupe, se supposant dans un rôle à la fois spirituel et délicat.

Elle semblait, pourtant, perdre un peu de sa belle assurance de princesse grecque devant l’aréopage, quand elle regardait les portes. Manifestement elle attendait quelqu’un. Les frères de Fertzen arrivés, elle respira, et, avec une perfidie toute calculée, elle se trouva, justement, en face de Paul-Éric, tournant le dos à Jacques-Reutler.

— Comme vous êtes en retard, Messieurs, dit-elle, ne s’adressant qu’au plus jeune homme. On va lever le rideau. Le principal acteur est sur le point d’aller s’habiller.

Le principal acteur, c’était elle. Paul répondit, d’un ton d’emphase persifleuse :

— Nous le déplorons, chère Madame, car mon frère et moi nous ne venions ici que pour saluer l’interprète.

— Prenez garde, cher Monsieur, l’auteur pourrait vous entendre.

Des rires discrets s’élevèrent dans l’entourage.

— S’agit-il d’un jeune ou d’un… maître ? questionna Paul effrontément.

— Mais non, ni jeune, ni vieux… un anonyme.

Paul lui coupa la parole avec un infernal aplomb :

— Un auteur anonyme doit être sourd, sinon il manque à tous ses devoirs.