Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/349

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

gloter, parce que Reutler, au seul timbre de cette voix, s’était dressé, les regards fous. Frémissant de colère et de bonheur, il écouta la plainte perfide comme il aurait écouté la musique de son orgue. Ah ! son frère, son enfant, le vrai, lui revenait donc tout entier quand il avait un chagrin ?

— Qui s’est permis de détacher Fox ?

— Eh ! fit le cadet, boudeur, ce n’est pas moi, bien sûr ! Tout marche de travers dans cette maison. Non ! je n’aurai jamais un paon plus irritable et plus drôle… je suis furieux !…

Le chien, humblement, vint déposer la bête d’émeraude aux pieds de son maître. Reutler fouilla derrière sa ceinture où il avait coutume de porter un revolver et, sans une réflexion, il tira… La gueule rose, la gueule d’hydre s’ouvrit toute grande, vomissant un flot pourpre avec un hurlement lugubre, puis la seconde victime tomba, demeura étendue en sa suprême grâce héraldique, les pattes raides.

Paul détourna le front.

— Brutal ! murmura-t-il. La mort… ce n’est pas une correction ! Tu es donc toujours armé ? Moi, je n’entre plus ici. J’ai horreur du sang ! Et surtout des hurlements, du tapage !… (Il songea, s’appuyant à un meuble :) …me la laissera violer et, au besoin, me la tiendra… Brave Reutler ! Il est unique !

Reutler s’agenouilla pour dérouler un tapis sur les jolis cadavres.

— Tiens ! dit-il en riant, je te rends les armes, je ne veux pas que tu aies peur de moi, Monsieur !

Et tendant son revolver à son cadet, il souligna,