Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/352

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— Regarde-moi bien ! Est-ce que je suis de ceux qui cherchent à attendrir leurs bourreaux ? Tu ne m’aurais pas offert des excuses à genoux, tout à l’heure, je n’eusse même pas daigné me plaindre, ni te laisser deviner que… c’est de ta faute si je ne peux plus violer personne !

Reutler se voila le visage et tomba sur un fauteuil.

— Oh ! Éric ! Éric ! Tais-toi ! Taisez-vous ! Je vous promets d’essayer de toutes les persuasions… Allez-vous-en, je vous en supplie ! Quel métier me faites-vous faire ?

Paul éclata de son rire cynique.

— Ça n’a pas d’importance ! C’est toujours divin le métier de dupe… Un peu plus, un peu moins… Quand tu en auras assez, viens me le dire, tu sais où je couche !

Et il s’éloigna, en pleurant de rage, mais point au sujet des victimes qu’il laissait derrière lui.

Un frisson douloureux passa sur l’épiderme de Reutler, comme un glacial vent de mort, lorsqu’il vit entrer la jeune fille. Elle avait gratté doucement, cinq minutes après le départ de Paul, et ne recevant pas de réponse, elle s’était risquée, ne se doutant pas de leur nouvelle réconciliation. Elle souriait, très confuse, portant du linge, une pile de nappes blanches, car elle ne venait jamais sans le prétexte de son service. Elle remerciait, en s’effaçant de plus en plus devant lui. Reutler se dirigea vers la fenêtre où il frappa les vitres pour se donner une contenance indifférente. Il verrait, il réfléchirait… Cela ne pouvait pas se dire du haut de n’importe quelle phrase.