Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/366

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cruauté de tons clairs qu’il paraissait encore plus artificiel et plus troublant que ce faux jour, couleur d’ambre. Il riait à se tenir les côtes. Il vint se jeter dans un fauteuil, Se renversa.

— C’est trop drôle ! Ah ! mon grand, l’étonnante idée qu’elle a eue là ! Je ne devrais pas te dire, mais je ne peux pas garder cette histoire, elle est trop amusante… et puis, toi qui joues de l’orgue à faire pleurer les roches, il faut te distraite… Non ! J’ai vingt ans pour de bon, aujourd’hui ! Pas d’erreur ! Et je commençais à me faire si vieux ! Cette petite garce… elle a eu beaucoup d’esprit… Pour une vierge, elle est diablement rosse, tu sais ! Mon grand, laisse-moi rire, dis. C’est plus fort que moi !…

Il riait si bien, l’abominable gamin, il y avait, au fond de la merveille de ses yeux, Une si voluptueuse humidité, une telle joie de vivre que Rentier n’eut pas le courage de se fâcher, lui qui ne riait jamais aux éclats. Il était heureux, l’enfant ! Le monde pouvait crouler !

— Voyons, gronda doucement l’aîné, caressant les cheveux du cadet, qu’est-ce qu’il y a ? Et qui as-tu tué pour que tu sois dans Un état pareil ? Hier, tu étais triste, aujourd’hui, tu ris… est-ce naturel, ou nerveux ?

— Mon grand, rien n’est naturel… Tiens, par exemple, peux-tu t’imaginer… (Il pouffa.) Sacredieu ! c’est trop bête ! Tu ne vas pas comprendre du tout, si je ne peux pas t’expliquer mon aventure… Enfin, suppose une femme qui — qui a les cheveux verts… (Et il se tordit.) Oui, mon grand : verts.

— La résistance de cette fille l’aura rendu fou ! songea Reutler épouvanté.