Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/367

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— Chéri, insista-t-il plus affectueux, raconte, explique, mais Calme-toi… je suis très effrayé, je n’ai nulle envie de rire.

Paul-Éric se releva un peu plus calme.

— C’est que… je me défie de ta gravité, mon grand ! Est-ce que tu as toujours ton vilain joujou ? Le fameux revolver ? Je n’aime guère me frotter à toi pour te raconter des blagues quand tu es armé ! (Soudain, montant sur le fauteuil, il sauta sur le clavier de l’orgue, dominant Reutler de toute sa frêle stature d’adolescent. Là, il se cambra en arrière et mit les pouces dans les entournures de son gilet.) Regarde-moi bien ! (Il eut un joli mouvement de défi, se mordit les lèvres pour ne pas rire.) Me vois-tu ?

— Je te vois ! je te vois… Mon Dieu, je ne te vois que trop. Descends ! Tu vas m’abîmer cet orgue… Descends tout de suite et parle-moi de la femme qui a des cheveux verts.

Au lieu de descendre, Paul répondit, d’un ton emphatique :

— Eh bien, mon cher bon, tu vois quelqu’un qui vient de sauver notre honneur !

Reutler ne put y tenir. Lui aussi éclata d’un rire nerveux. Que Paul-Éric de Fertzen eût sauvé un honneur quelconque, c’était, en effet, du dernier bouffon.

— Allons, tant mieux ! Me voilà débarrassé d’un fameux souci ! Veux-tu descendre ?…

— D’abord, rends les armes… ce revolver m’agace !

— Je te rendrai tout ce que tu voudras. C’est cruel de me prendre pour un assassin chaque fois