Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/37

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buste en plâtre de l’époux, toujours nu-crâne.

Mademoiselle Jane Monvel, petite lectrice doublée d’une femme de chambre, créature sans sexe défini, alignait des pots de fards, déployait des jupes. Elle avait les mouvements pleins de grâce d’un joli singe apprivoisé.

— Mais sacrebleu, Mademoiselle Jane, s’écria le jeune homme, toujours à son aise au milieu des chiffons, c’est là une défroque de bal public ?

Jane leva hypocritement les yeux au ciel.

— Pouvez-vous dire, Monsieur Paul ! Un si beau costume de cantinière de mobiles !

Ils se regardèrent une minute, elle, se mordant les lèvres, lui, pinçant la bouche. Alors, elle vint à lui, toute haletante de curiosité.

— Est-ce vrai que vous voulez rompre avec Madame ?

Paul fronça les sourcils.

— Ah ! On vous a déjà fait des confidences !

— Madame a pleuré toute la nuit. Je lui ai lu Phèdre… comme dès que ça ne va plus. C’est le critérium, voyez-vous. Quand Madame demande à ce qu’on lui lise Phèdre, je pressens que quelqu’un va l’abandonner.

— Vous devez savoir Phèdre par cœur, ma pauvre amie ! Sérieusement, Jane, je ne peux plus me laisser mener en lisières. J’ai bientôt dix-neuf ans. Elle me gronde, elle m’adore, elle me bat, il faut que je corrige ses vers, elle prétend corriger les miens, elle veut tuer mon frère, se tuer, me tuer, elle m’a fait changer quatre fois de garçonnière depuis que j’ai l’honneur de la recevoir chez moi, persuadée que Reutler est au courant… Enfin, vous