Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/38

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êtes charmante, Jane, et je vous dois de bonnes heures, mais, je peux pas y tenir… même pour vous !

Bien moulée dans un modeste costume de soie noire, à peine éclairé de tulle blanc au col, Jane avait l’allure contrite d’une institutrice renvoyée, quoique ses jolis yeux fins eussent l’air de plaider une cause qui n’était pas la sienne.

— C’est pas pour dire, fit-elle secouant sa tête ébouriffée de frisons bruns, vous ne connaissez pas votre chance ! Une des grandes femmes françaises ! (Elle ajouta, le ton sentencieux :) Et vous la trompez… comme dans un bois ! À sa place, j’aurais pris les devants.

Elle lui montra ses très petits poings fermés.

— M’en irai bien tout seul, Jane ! Vous êtes féroce, ce soir. (Il lui prit les poignets.) Je vous en prie, pas d’égratignures supplémentaires.

Paul aimait beaucoup ces escarmouches de ruelles avant de plus sérieux assauts. Jane Monvel lui plaisait, parce qu’elle lui donnait l’impression d’un animal noir, soyeux, aboyant pour défendre sa protectrice, tout en se frottant timidement à lui comme pour mendier du sucre.

— Elle vous aime tant, soupira Jane, et elle vous aurait sacré grand homme français, un jour !

— Vous aussi, Jane, vous bottelez le myosotis patriotique ?

— Je suis tellement habituée à vous. Quel est celui qui viendra, maintenant, gratter derrière la porte ?

— Pauvre Janette ! Vous me navrez, car vous êtes une spirituelle créature. Je me rappellerai toujours