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Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/375

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m’est égal. Jure que jamais tu ne te marieras, que jamais aucune femme n’entrera dans ton lit, jamais, jamais… ou je meurs devant toi, puisque tu as soif de me voir mourir !

Il ne jouait plus la comédie, cette fois, il était bien décidé à tout détruire, même l’idole.

— Je jure, dit lentement et gravement Reutler, toujours à genoux, que jamais aucune femme n’entrera dans mon lit, cela, je t’en donne ma parole d’honneur.

— Ouf ! ça y est ! fit Éric courant ouvrir la verrière et envoyant le revolver à travers l’espace. Je dois avoir un rond sous le menton ! Me serais pas raté, tu sais ? J’y allais de toute mon âme… (Il s’appuya contre le mur de cristal où ses cheveux prirent une nuance d’ambre et son teint devint presque transparent.) Ah ! c’est très mauvais, ces baisers-là. Je n’aurais pas dû tâter de cette vilaine gueule de fer. J’ai mal aux reins ! Non ! je crois que je ne violerai plus personne. Mon grand, c’est fini d’être un homme ! Bonsoir !

Ses mains délicates, tout agitées comme celles d’un vieillard, se portèrent à sa nuque, il ferma les yeux et s’évanouit.

Reutler, entendant marcher dans le corridor qui conduisait au salon, n’eut que le temps d’étaler sur le jeune homme la grande soierie japonaise.

Jorgon se précipita effaré.

— Ah ! Monsieur, Monsieur le baron… si vous saviez… Mademoiselle Marie !

Et il leva les bras.

— Ne me raconte rien, dit Reutler de ; sa voix sourde, mon frère est malade… et puisque c’est