Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/377

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Oui, continua Jorgon, l’air absorbé, c’était une femme avec des yeux pareils, elle riait du même rire, la bouche tordue… Vous vous souvenez, Monsieur ? C’était elle… à part que mademoiselle Marie est une personne plus jeune !

Reutler descendait le grand escalier, il faillit tomber et se pencha au-dessus de la rampe.

— Marie ? cria-t-il d’une voix tonnante, Marie, où êtes-vous ?

Un silence grave pesa. Jorgon n’osait plus regarder son maître dont les prunelles s’illuminaient Il sentait qu’il révélait, malgré lui, une chose abominable.

Reutler en trois sauts rentra dans le salon.

— Tous les domestiques ici, vite, ordonna-t-il. Je veux qu’on me retrouve cette jeune fille. Il faut qu’on me la ramène vivante ! Elle est allée mourir de honte en quelque coin de nos bois !… Elle se dirigeait peut être du côté de l’étang… Jorgon, elle est notre honneur, entends-tu ! Ah ! la revanche… la belle revanche de ce Français !… Non ! Ce serait trop cruel ! Jorgon, appelle tout le monde.

Et un moment, Reutler oublia le Français, son frère, emporté par la furieuse tourmente de son orgueil, il oublia son amour pour ne se souvenir que de la dignité de sa race.

Un à un les domestiques arrivèrent, épouvantés de la voix du maître qui se brisait en rauques sanglots. Il était évident que le baron de Fertzen perdait la raison et ils se rangèrent, silencieusement, le plus loin possible du fauve.

— Mademoiselle Marie vient de fuir ma maison, dit-il scandant ses phrases avec violence. Vous al-