Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/383

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moi complètement libre ! Si je suis fou ne me laissez pas mes mains, je vais m’en servir pour tuer dès qu’on entrera chez moi !

Il se tourna du côté des fenêtres, mais elles donnaient sur le gouffre de la vallée de Rocheuse.

De nouveau, il attaqua la porte qui se fendit.

— Ah ! un résultat… naturel ! Je vais être libre en face d’eux… et si je ne perds pas la faculté de me mouvoir, je pourrai les rejoindre en les massacrant. Tant pis !

D’une poussée furieuse, il renversa l’obstacle et demeura pétrifié. Il était seul sur la porte tombée. Il y voyait clair, trop clair. Son antichambre, le corridor, le grand escalier s’illuminaient comme pour une fête, et la clarté rouge de cette illumination, dont on n’apercevait, d’une manière précise, ni les lampes ni les lustres, montait des appartements d’en bas, une lueur énorme qui rasait le sol.

Autour de lui fusait la chose l’ayant paralysé depuis une heure, un nuage léger, bleu, fluide semblant s’échapper bien plutôt de son cerveau que de sa chambre. C’était de la fumée, et une odeur âcre, développée par une subite chaleur, lui chatouilla désagréablement les narines.

— Le feu ! rugit-il dans une explosion de joie sauvage. C’est le feu et non pas la folie ! Je suis libre ! Elle me rend ma parole, je peux rejoindre Éric ! Je le sauverai ou je mourrai près de lui, mais je suis libre, il est à moi, toujours, Éric, mon fils, mon frère, mon amour, mon bien-aimé… je ne suis pas fou… je passerai… Voici la pureté, voici l’apothéose !

Il se précipita dans le grand escalier et il aperçut,