Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/384

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par les portes grandes ouvertes du salon, du fumoir, de la salle à manger un spectacle superbe qui le fit reculer, car il fallait traverser ce décor pour aller le rejoindre.

Des averses rouges tourbillonnaient du haut des plafonds où les caissons et les rosaces s’agitaient, doués d’une existence fantastique. Tout avait des gestes. Les meubles, d’or et de vermeil, sautaient en une danse bizarre, dérangés par des bras puissants. La verrière, au ton d’ambre, se craquelait, fondant, ondulait comme un rideau, et les cigognes, planant à son centre, s’enlevaient blanches, en poussant les cris véritables du cristal se brisant. Des tapis jaillissaient des spires de fumée rose et le grand carré de Smyrne, groseille et bleu, bouillonnait comme du sang frais, lançant des bulles, lesquelles crevaient, puant la laine de bête qui roussit sous la marque du fer. Les petits meubles de laque pleuraient leurs étagères à grosses gouttes noires, épaisses, gluantes, affreuses comme des larmes de bitume. Et des tentures, des soieries, de moelleux velours pâles devenaient couleur de soufre. Des statuettes, aux visages livides d’effroi, se levaient toutes seules, d’horreur, et tombaient en avant, la tête auréolée. Dans la salle à manger, un dressoir plein d’argenterie réverbérait les étincelles comme un immense bouclier s’écaillant de précieux métal, et, des panoplies, se détachaient des armes flamboyantes, brandies, sous la fumée sombre, par d’invisibles poignes.

— Ah ! La brave servante comme elle a bien, travaillé ! songea Reutler, cherchant un passage