Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/386

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— Jorgon ! cria Reutler, Jorgon, où est Éric ? Je veux mon frère !

Et il pénétra, tête baissée, en pleine fournaise.

Si Jorgon ne répondait pas, c’est qu’il était mort. Mais était-il mort en essayant de le sauver ?…

Des gueules brûlantes happèrent l’épaule de Reutler et lui déchirèrent ses habits ; cela le pénétra d’un coup de croc féroce, et y demeura comme la morsure d’un animal dont la bouche se moulerait sur la chair de sa victime, en lui léchant la peau d’une langue toute hérissée de papilles pointues. Le grand hercule se débattit, mettant son coude levé sur sa face. Il finit par crier, songeant à l’épouvante qu’Éric avait de la moindre souffrance physique. Il franchit le brasier, sentit augmenter la cuisson de son épaule, faillit tomber dans un cratère béant entre deux portes, sauta, se protégeant la figure de ses mains, car il fallait conserver la netteté de sa vue. Du côté de l’escalier, une fumée noire, épaisse comme un mur, barrait la route. Il tâtonna, passa encore un seuil et ses plantes, brûlées vives, se rafraîchirent sur un corps étendu. C’était Jorgon. Le vieillard avait les yeux ouverts, fixes, presque désorbités, mais derrière lui la voie était libre, l’escalier s’élevait, intact, de ces ténèbres suffocantes jusqu’aux douces lueurs astrales.

— Pardonne-moi, mon pauvre Jorgon ! dit Reutler s’élançant. Je n’ai pas le temps, je vais le rejoindre, et je crois bien que nous ne repasserons plus !

Pendant qu’il montait, la verrière éclatait avec une vibration sinistre, un rire diabolique de tout