Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/389

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fiancée ? Est-ce qu’elle court toujours la campagne ?

On entendit un bruit sourd, le bruit d’une artillerie lointaine ou d’un orage.

— Oui, je l’ai retrouvée, répondit Reutler, avec un geste ironique, elle est en bas. Elle va bien, elle va très bien, et elle m’a rendu ma parole ! Je n’épouse plus !

Paul-Éric s’étira voluptueusement, se drapa dans la soierie japonaise, en ayant soin de découvrir sa gorge.

— Passe-moi ce qui reste de mon philtre, que je me débrouille le cerveau. Tu as une drôle de mine, toi, murmura le jeune homme.

Reutler tressaillit.

— Me permets-tu d’y goûter ?

— Quoi ? Dans mon verre ? Ah ! ça, tu es scandaleux, ce matin ! (Il pouffa.) Je te préviens, mon grand, que tu vas faire une bêtise… il y a de mes fameuses petites poudres… et, entre nous, tu n’en as pas besoin, dis ?

Reutler, d’un bond, fut à une lucarne de l’observatoire et lança la coupe dans l’espace.

Paul se fâcha.

— Non ! C’est dégoûtant ! Je la place bien, ma loyauté ! Est-ce que tu as le droit de t’occuper de mes rêves ? Sacredieu ! Plus de champagne, plus d’aphrodisiaque et tu vas me proposer des bains froids ou une course en forêt ? (Paul s’interrompit pour bondir à son tour et pousser un cri ; il venait d’apercevoir, sous les lambeaux noircis de la chemise de son aîné, une large trace rouge.) Ah ! mon grand, qu’est-ce tu as là, sur l’épaule ?

— Rien, fit Reutler hésitant. Je ne voulais pas