Page:Rachilde - Les Hors nature, 1897.djvu/66

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s’étrangla, se fit plus sourde et plus mordante ; il parlait en dedans.) Ah ! je te hais !… Les enfants d’Irminsul en présence, hein ? Tu as eu l’habileté de les y mettre, toi ? Fils de la même mère, nous allons nous dévorer pour une idole remplie de paille ! Le fatal incendie se rallume aux pieds de cette énorme statue creuse érigée par l’hystérie des prêtres, car les époques de terreur et de calamités publiques sont toujours des époques d’offrandes ! Le monstre s’embrase. Il est hors nature et il illumine la nature. À sa clarté brutale on devient fou. Les uns sont frappés d’épouvante jusqu’en les parties les plus mystérieuses de leur être, conçoivent le sadisme et toutes les déviations sexuelles. Les autres, moins puissants ou plus fous encore, se bornent à s’anéantir. Débauches et crimes, tout fermente à travers l’osier qui flambe et tout finira par sombrer en un monceau de cendres où, si on se penchait avec des loupes, on retrouverait des crânes de très petits enfants. La haine ? et pourquoi pas ! Nous haïr, c’est si simple ! Tu es faible, je suis fort. Je suis toujours à peu près maître de moi, tu es la perpétuelle victime de tes nerfs. Tu es beau, je me sens effroyable. Et, de toute la pesanteur de ces différences, je t’opprime. C’est naturel, en effet !… Ma conduite entière est là pour témoigner hautement de mon dévouement pour toi, mais cela ne signifie plus rien. Nous sommes faits pour nous haïr, donc il faut que nous nous haïssions ! Ah !… Éric ! Éric !… Monsieur Paul de Fertzen, comme vous êtes perspicace…

Humilié, désorienté, Paul pleurait toujours ; ce-